Mathilde Bretillot
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Catherine Ferbos-Nakov
Commissaire d’exposition
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Chez Mathilde Bretillot, tout fourmille, tout s’entremêle, se chevauche, s’entrecroise, famille,
enseignement, amis français, italiens ou anglais, objets, voyages, projets hexagonaux et internationaux ; car tous les différents aspects de la vie de Mathilde ont pour elle la même importance. Tout est fonction des gens dont elle est entourée et pour qui elle a créé autour d’elle un espace ouvert, mobile, changeant, accueillant, enjoué et avant tout créatif.
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Les différentes personnalités qui ont peuplé son début de carrière lui ont d’une façon ou d’une autre
mis le pied à l’étrier de la création et de la prise de risque. Elle a intégré leurs leçons à celles de son
éducation, nouveaux regards et qualités d’autrefois, ou même de toujours.
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Vie quotidienne bousculée et étonnante qui lui permet d’accepter que tout s’accélère. Il nous faudra
courir pour rattraper en cours de route ses rapports attentifs avec les artisans, ceux inventifs avec les
entreprises, sa participation à l’association Particule 14 et le rôle qu’elle a dans la place de l’innovation
dans d’importantes sociétés, comme Diam International, avec tous les enjeux commerciaux qu’ils
génèrent. Mathilde est partout novatrice, stimulante et ouverte à toutes les suggestions.
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Comme elle sait si bien diriger les étudiants de l’école de Reims (1994 à 2007) ou ceux de Camondo depuis 2008, l’enseignement est pour Mathilde indispensable : direction, partage et aiguillon, en quelque sorte l’enseignement la constitue, ce laboratoire relie idées et gens, fil conducteur depuis son enfance, bercée du bruit joyeux et du désordre créatif des familles nombreuses.
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Elle a pu se dire ou même dire : « Il faut quand même que je me fasse peur. » Est-ce pour cette raison que Mathilde Bretillot réunit autour d’elle amis, créateurs, artisans et aime à travailler
en faisant appel au savoir-faire des spécialistes dont elle a bien sûr repéré l’excellence ? C’est indispensable certes, mais il faut aussi évoquer le besoin absolu que Mathilde a de dessiner, de créer, de sortir d’elle-même formes, objets et surtout espaces.
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Stimuler, réunir, motiver, organiser, orchestrer plutôt que simplement diriger. Mathilde se nourrit de ce qu’elle met en place, de la connaissance des savoir-faire qu’elle découvre puis intègre et coordonne.
Parce qu’elle sait écouter, elle sait aussi emboîter en quelque sorte, en laissant de la place, beaucoup de place et une place exigeante aux autres, et elle se donne à elle-même l’espace indispensable à l’invention.
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Une pratique avec une autre et ses compositions relèvent de tout ce savoir, de tout ce qu’elle a assimilé et retranscrit en autre chose, dans un autre langage de formes qu’elle veut mobiles et colorées. Ces formes ont la force de réunir et d’établir une distance, leurs utilisateurs sont à la fois ensemble et tout à fait séparés, ils peuvent parler, échanger, inventer ou prendre de la distance, même s’échapper.
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Car ne l’oublions pas, la mobilité est inhérente à la création de Mathilde, meubles, objets, espaces se
mélangent, se croisent, ne restent jamais en place, et par conséquent le spectateur, ou le plus que
spectateur qui est en fait l’acteur du monde qu’elle invente, tel le reflet du miroir de ce monde en devenir et fonction du regardeur-acteur.
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Ameublement, sujet particulièrement fait pour elle pour son côté convivial, des meubles dans lesquels
on se love, on refait le monde, on se chamaille, on se chipote, et avant tout on se parle. Comme les meubles qu’elle bouge sans fin, qu’elle réarrange, réorganise. Elle tournoie et entraîne dans sa ronde idées, personnages, créateurs et artisans, frères et soeur, tout ce qu’elle inclut dans son environnement quotidien, savant dosage de travail créatif et d’affection indispensable, qu’elle nourrit en se nourrissant et qu’elle savoure, bien sûr.
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Sans vouloir détailler chacune des créations qui nous occupent, il me semble important toutefois de mentionner deux des éléments de cet ensemble qui relèvent à mon avis du propos qui est le mien, plus personnel : le Ring d’une part, sorte de corniche-luminaire qui détermine l’espace, met en valeur et en forme les autres éléments, et pourtant, n’oublions pas de le souligner, il est fixé au plafond alors que les autres meubles, eux, peuvent être disposés dans l’espace qu’ils délimitent ou à l’extérieur de cet espace, ainsi Mathilde réussit à faire bouger, s’exprimer et même jouer le plus fixe des éléments ;
de l’autre la Psyché parce qu’elle en définit le regard et nous oblige à le conceptualiser : en effet le dictionnaire vous dira qu’une psyché est un miroir mobile. Nous n’en serons pas surpris, Mathilde le
présente la regardant ou reflétant le reste du salon qu’elle crée, mais à y regarder de plus près, vous
apprendrez aussi (ou vous vous rappellerez) que Psyché (c’est-à-dire l’âme) est avant tout l’égérie
puis la femme d’Éros (c’est-à-dire l’amour) et la mère de Volupté, et qu’ainsi, consciemment ou non,
Mathilde se joue, ou joue avec nous, ou nous fait jouer dans le salon qu’elle invente une conversation
à deux, à trois ou à plusieurs et dont en tout cas leplaisir n’est pas absent.
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Catherine Ferbos-Nakov
Janvier 2012
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